Le blog de ph-f

Notre petite île a une vie communautaire active.

Toutes les occasions sont bonnes pour se rassembler. Il y a bien sûr en premier lieu les offices religieux du samedi ou du dimanche selon les Eglises, avec les kermesses chez les uns ou les autres. Mais en ce moment, comme c’est le carême il n’y en a pas, il y a d’autres choses.

Nous avons eu le Nouvel An chinois, comme il y a une forte communauté d’origine chinoise, cet événement est fêté comme il se doit. Nous sommes donc entrés dans l’année du Dragon avec force défilés et chants des enfants des écoles. Ils sont venus nous faire une aubade au dispensaire, tous plus beaux les uns que les autres.

Auparavant, il y avait eu le « Raid Litchies », un parcours de trecking dans la montagne qui a attiré des coureurs de toute la Polynésie, des athlètes de haut niveau mais aussi des amateurs de tous âges. Cette course donne lieu à des manifestations diverses à l’occasion de la remise des prix, en particulier un grand repas et un spectacle de danses polynésiennes aux quelles chacun est invité à se joindre à la fin.

Dans la catégorie des sports il y a les courses de va'a(pirogues à balancier). C'est quasiment le sport national de Polynésie. Ici où les distractions sont rares, la grande majorité des jeunes pratiquent ce sport. Les courses attirent donc beaucoup de monde et donnent l'occasion d'une petite fête avec musique, buvette, snack et bien sûr lots pour les gagnants (les petits cochons). Aujourd'hui c'est une course de va'a une place mais il y a aussi des va' à quatre ou six places.

Un haut lieu d’activités est l’aéroport. Chaque arrivée d’avion est l’occasion de se retrouver autour des arrivants (ou des partants). C’est vraiment un lieu de rencontres idéal. On attend là pendant une heure ou plus. Les gens viennent accompagner ou chercher des proches mais aussi porter ou récupérer du fret ou seulement pour voir du monde. Des femmes fabriquent sur place les colliers de fleurs à offrir aux arrivants ou aux partants et lorsque quelqu’un d’important prend l’avion (en particulier, les pasteurs) il y a des chants et de la musique pour agrémenter l’attente.

L’autre moment fort de la vie de l’île est l’arrivée du bateau toutes les semaines ou deux. Quand le bateau est retardé, c’est le principal sujet de discussion dans la « salle d’attente » du centre médical. Cet évènement mobilise pratiquement toute l’île, il est rare qu’il n’y ait pas un colis à porter ou à prendre sur le bateau. Ce jour là, la consultation est très « light », on ne voit vraiment que les malades qui ne peuvent pas attendre le lendemain et les plus âgés qui ne courent plus au bateau.

Enfin, il y a la venue des bateaux de tourisme. Celui là arrive des Fidji avec cinq hommes d'équipage et sept passagers touristes à bord, 4 américains et trois français "from Paris", nous a expliqué une des touristes américaine. Le second du bateau, qui nous a détaillé leur parcours, m'a fait pensé au capitaine africain ami d'Indiana Jones dans l'Arche d'Alliance ! Nous constatons à cette occasion que le goût de l'aventure ( la vraie !) peut toucher des personnes apparemment sensées et d'un âge déjà avancé (probablement septuagénaires et plus) , car ils ont parcouru le Pacifique des Fidji jusqu'aux Australes sur ce bateau !!!

Après un temps de silence, tout à fait indépendant de notre volonté (panne du réseau internet) voici un petit aperçu de notre quotidien professionnel (âmes sensibles, s’abstenir !) pour mettre un peu « l’eau à la bouche » de ceux d’entre-vous qui pratiquent de près ou de loin notre art :

Et je vous passe les phlégmons et autres infections des mains et des pieds voire de la face, les impétigos et staphylococcies cutanées, sans oublier les maux perforants plantaires, les blessures des tissus mous et autres fractures ouvertes ou non …

Comme vous pouvez le constater c’est à la fois varié et coloré !!!

Nous avons aussi des activités plus classiques : varicelles, grippes et pneumonies ainsi qu’otites en tout genre et asthme. Pas de routine !

Et comme malgré tout, certains jours tout est calme et on s'ennuie un peu, un certain se sent obligé de mettre un peu d'animation, donc  ( roulements de tambours) : en urgence, taoté tané (Pierre-Hervé) !!!!, pour quelques points de suture sur le front et le coude après un vol assez peu plané du haut d’un tabouret.

Nous avons eu peur, surtout moi, car lui s’est retrouvé par terre sans avoir le temps de dire « ouf ».

Après un pansement de fortune, direction les urgences !!!

Et j’ai fait un peu de couture supplémentaire histoire d'occuper agréablement la soirée ......

( ce n'était pourtant pas le jour de la saint Valentin !)

Maintenant il est prêt pour Carnaval !!!

Après avoir longtemps questionné et cherché, nous avons enfin pu voir des maraes à Tubuai, ce dimanche. Il semble y avoir un certain secret autour de ces lieux archéologiques, sans doute  à cause de la persistance de croyances anciennes qui sont incompatibles avec la foi chrétienne. Les Eglises diverses voient donc d’un assez mauvais œil la conservation de ces anciens lieux de culte.

Il y a trois « niveaux » de maraes : les maraes familiaux, les maraes communautaires et les maraes royaux.

Guidés par un polynésien, détenteur de la charge de « conteur » et tenant une  « pension » ( B and B local ) avec sa femme, nous avons profité d’un groupe de touristes pour visiter avec eux trois maraes de l’île. La promenade pittoresque, avec son lot de mystères et de solennité, a été à la fois instructive et agréable, si l’on excepte les nuages de moustiques qui ne devaient pas avoir vus de peaux tendres et fraiches depuis longtemps, à en juger par l’état de nos bras et jambes à la sortie de la visite !!!

Nous avons donc vu trois sites différents dans un ordre chronologique bien calculé :

-          Sur le premier marae, nous avons été accueillis par une petite cérémonie d’initiation pour devenir « Tubuai » : le guide nous avait demandé de préparer une petite offrande à la maison ( un bouquet de fleurs par exemple) puis, avant de nous amener sur le lieu, il nous a fait remplir une carte postale où nous devions écrire notre prénom et le lieu où nous nous sentions le mieux pour vivre.

Après nous avoir invités chacun à notre tour à déposer notre offrande à l’entrée du marae, sur un petit espace pavé auprès de grandes pierres levées, nous avons fait une minute de silence en l’ honneur de nos ancêtres puis, il nous a interpellés en polynésien chacun à notre tour, en faisant une danse genre  « haka ». Il nous a dit après qu’il nous avait raconté des petites histoires sur ce qu’il savait de nous ( sans doute du genre des chants africains « merveilleux » dans le film « Noirs et blancs couleurs - la victoire en chantant » ce qui l’ont vu expliqueront aux autres)Ce marae se présente comme un grand espace sur lequel se trouvent trois grands enclos de pierres. Au milieu de l’un des enclos, se trouvent des pierres organisées en foyers sur lesquels on faisait chauffer des feuilles et des pierres. C’était le lieu où accouchaient les femmes de la famille du chef. Les pierres chaudes servaient à « cuire » le placenta après la délivrance. Celui-ci n’était pas séparé du bébé après l’accouchement. La mère et l’enfant restaient là, sous la surveillance des femmes initiées pendant quelques heures (10 à 12h). Les autres enclos de l’espace étaient destinés à accueillir les « observateurs » et les femmes initiées. Les hommes hormis les « prêtres » n’étaient pas autorisés à être présents. Durant ces heures, les observateurs évaluaient le bébé (et éventuellement sa mère) pour savoir s’il allait vivre et quelle place il pourrait prendre dans le groupe. Lorsque l'enfant mourait dans ce laps de temps, il était enterré sur place dans l'enclos de naissance. Certaines pierres de l'enclos portent des signes d'une écriture cuneïforme, racontant sans doute des histoires très intéressantes !!!

-          Le deuxième marae peut être considéré comme la maternité : en effet, après le temps d’observation dans la « salle de travail », la mère et l’enfant étaient transportés dans un autre lieu comprenant deux espaces pavés. Sur l’un de ces espaces, se trouvent de grandes pierres levées et striées sur lesquelles on coupait le cordon ombilical. La mère et son bébé étaient ensuite « hospitalisés » sur l’autre espace pavé où se tenait une construction. Là ils restaient 10 jours pendant lesquels l’enfant était observé et en fonction de cette observation son prénom était choisi par les sages.

-          Le troisième site était « l’Assemblée Nationale » de l’époque. Un espace clos entouré de pierres levées, un peu penchées sur lesquelles les chefs s’appuyaient pour discuter des affaires de l’île. A côté un espace pavé sur lequel était construite une cuisine, probablement. Deux différences majeures avec notre assemblée : les membres n’étaient pas élus, c’étaient les 7 chefs de l’île et la plus grande différence, c’est que ces chefs délibéraient debout et ne pouvaient quitter l’hémicycle qu’une fois un accord trouvé, même si cela devait prendre des jours. Nous pourrions proposer çà à nos députés, çà avancerait peut-être plus vite et plus efficacement !!!!

La deuxième aventure est médicale et  aurait pu mal finir.

Elle a en fait commencé lors de notre premier jour de travail : la sage-femme qui était de passage sur l’île est venue me voir en me disant :  «  j’ai un cadeau de bienvenue pour vous, il y a là une maman qui veut absolument accoucher à Tubuai, venez m’aider à essayer de la convaincre de partir à Papeete. » ( normalement toutes les femmes enceintes quittent les îles dès 7 mois ½ ou 8 mois de grossesse pour aller accoucher à Papeete) Nous lui avons donc  décrit par le menu tous les dangers possibles d’un accouchement sans matériel à 4 heures d’avion de l’hôpital (2 heures minimum pour faire venir un avion et presqu’autant pour que celui-ci la conduise à bon port) Peine perdue ! Nous avons été incapables de la raisonner, son mari ne disait d’ailleurs rien pour nous aider .

Un mois et quelques après cet entretien, l’obstétricien, de passage à son tour, a essayé de la convaincre, avec l'aide de Pierre-Hervé cettefois, de partir avec lui parce qu’elle avait dépassé le terme  et le bébé commençait à être un peu à l’étroit. ( Il n’avait lui-même sur place aucun moyen de déclencher l’accouchement) Rien à faire !!!

Finalement, 2 jours après le départ du dit obstétricien, après nous avoir réveillés à 2 heures du matin pour des contractions peu efficaces, elle est allée chercher un de nos confrères, fraîchement à la retraite, en vacances sur l’île, et qui avait déjà fait beaucoup d’accouchements. Ils nous ont donc rejoints vers 10heures du matin au centre médical avec la parturiente.

Tout s’est bien passé, la mère et l’enfant vont bien, merci. Mais nos petites surrénales en ont pris un coup !

Il n’y a, sur place, aucun moyen de surveiller l’état de l’enfant pendant la progression du travail, aucun moyen pour l’aider à sortir en cas de problème, peu de moyens de réanimation néonatale, une couveuse peu en état et en plus il faut bien dire que nous ne sommes pas vraiment formés pour ce genre d’exercice !!

Ceci étant dit, à part Pierre-Hervé qui était très en colère après la maman et sa belle-mère (qui n’a rien trouvé de mieux que de faire tremper sa bru une partie de la nuit dans lelagon, alors qu’elle avait des contractions et que le travail était quand même commencé) les infirmières et moi étions tellement soulagées de voir que le bébé allait bien que nous avons oublié de nous fâcher trop fort.

Le problème est qu’elle risque de faire des émules et ce ne serait vraiment pas drôle !

Pour cette fois, nous avons eu la chance d’avoir avec nous un médecin qui s’est fait un plaisir d'aider la maman à accoucher et qui nous a un peu rassurés parce que son expérience en la matière était bien supérieure à la nôtre, mais s’il y avait eu le moindre problème sérieux nous aurions été trois à être impuissants !!!

Voilà pour l’aventure médicale, pardon à ceux qui nous lisent et  ne sont pas de la partie !!!

Une particularité polynésienne est la nourriture. Dans ce genre de festivités on mange et on boit à volonté, vous pensez sans doute que c’est peu différent de nos habitudes, mais en fait çà l’est par l’abondance des plats proposés. Certaines que je connais se contenteraient sans doute d’une infime partie de l’apéritif pour leur repas !

Si le français moyen ne rechigne pas à passer une journée entière à table, le polynésien, lui est capable de manger presque sans arrêt durant toute une semaine à l’occasion des mariages, par exemple ou de la Nouvelle Année. Il semble qu’à cette dernière occasion, dans certaines îles ( comme à Raivavae où je me trouve en ce moment), chaque famille prépare un bon repas et va à la rencontre de ses voisins pour le partager et lui souhaiter une Bonne Année et ainsi, en passant de maison en maison, on fait le tour de l’île en mangeant et buvant dans chacune d’elles pendant plusieurs jours ( tant qu’il y a des personnes à visiter). Le dernier soir, tous les habitants de l’île se retrouvent pour une grande fête sur le motu avec un repas conséquent bien sûr. Sur d’autres îles, à l’issue des « vœux » exprimés comme précédemment, c’est le maire de la commune qui invite ses administrés à un grand bal : repas et boissons à volonté ! C’est ce qui s’appelle avoir le sens de la fête et de la convivialité !!!

Vous voyez ici les « petits » cochons qui attendent Noël, il semble que l’on compte ici un cochon par famille ( parents, enfants et grands parents) en  « gros » un cochon pour une vingtaine de personnes au maximum. Pour vous faire une idée, nous comptons un jambon pour 30 à 35 personnes en métropole !!! (no comments)

Enfin, nous serons à Tubuai pour le début de l’année 2012 et nous pourrons donc vous raconter d’expérience comment se déroule le changement d’année. De l’avis des infirmières qui travaillent avec nous c’est non seulement copieux en nourriture mais aussi très arrosé !

A suivre ….